Le Chassy de Balthus





balthus à ChassyC’est alors qu’il séjournait à Vézelay chez son ami Georges Bataille, que Balthus a découvert le Morvan et plus particulièrement la région de Lormes. Il en tomba sous le charme au point de revenir souvent contempler ce paysage lui évoquant la Suisse où il avait vécu plusieurs années durant la dernière guerre.
Le château de Chassy, construit sur la commune de Montreuillon, que le peintre vient de louer, va lui permettre – espère-t-il – d’assouvir son besoin de calme et de liberté. Cette forteresse du XVIIème siècle, perchée à flanc de colline, surplombant l’Yonne, impressionnante entre ses deux tours, protégée par un fossé, vestige d’un lointain château médiéval s’ouvre au peintre venu de Paris dès le printemps.
Balthus y trouvera les conditions idéales pour travailler. Il y vivra retiré, n’acceptant que de rares visites, hormis celles de ses amis intimes: Jean-Louis Barrault, André Malraux, Joseph Kessel, Picasso, Matisse et Jules Roy. Installé à l’étage, dans une immense salle, le peintre autodidacte s’imprégnera chaque jour du paysage et de la nature environnante. Ce cadre deviendra propice à son inspiration. Plus prolifique que jamais, Balthus produira quantité de tableaux dans lesquels il ne manquera pas de rappeler tel objet, tel arpent de terre, tel renfoncement de pièce, discrètement au fond de la toile. Ainsi, près de soixante dix œuvres seront réalisés au château.
Balthus – de son vrai nom Balthasar Klossowski de Rola – est né à Paris au début du siècle, d’un père critique d’art et d’une mère artiste peintre. Dès son plus jeune âge, il s’intéressa au dessin ; jusqu’en mai 1934, où pour la première fois, il exposa ses œuvres au Tout-paris, à la Galerie Pierre. A cette occasion, son tableau La Rue, devenu célèbre depuis, a connu un réel succès.
Balthus Chateau de Chassy 1953Huit années durant, derrière les murs de ce château devenu geôle, Balthus va vivre sa passion, travaillant sans relâche dans son atelier dont il est devenu le prisonnier consentant. Huit ans de labeur, de doute, de quête d’idéal, de toiles toujours recommencées, cherchant la perfection dans l’élaboration de ses propres perceptions, tentant de découvrir à chaque instant et de fixer l’insaisissable, recherchant l’âme qu’il perçoit au fond d’un regard, tentant d’immobiliser la lumière, transcendant les paysages qu’il observe inlassablement à la fenêtre de son donjon.
Ses seules sorties, le maître les fera pour se rendre jusqu’au café du village où il  viendra téléphoner, seule passerelle entre son univers clos et la civilisation urbaine et superficielle de la capitale qu’il refuse de fréquenter.
« On le rencontre de temps à autres portant une blouse bleue, avec pour seule compagnie ses paquets de Gauloises dans une poche et une grosse boîte d’allumettes dans l’autre, qu’il ouvre maladroitement régulièrement à l’envers, laissant s’échapper sur le sol les allumettes » écrira plus tard Jean-Louis Balleret dans son recueil « De Corot à Balthus ».
Sa nièce, Frédérique Tison – elle-même peintre et sculpteur – viendra le rejoindre et lui servira longtemps de modèle, avant que Balthus accepte la proposition de son ami André Malraux et prenne la direction de la Villa Médicis à Rome. Ainsi, quittera-t-il Chassy en 1961 pour s’installer en Italie mais reconnaissant envers la demeure, qui l’aura abrité huit années, il l’achètera, ainsi que les domaines, laissant à sa nièce le soin de veiller sur les empruntes laissées par sa passion dans la forteresse, seule témoin d’une vie toute consacrée à la peinture.

En 1953, Balthus quitte Paris et s’installe au château de Chassy. Sa nièce par alliance, Frédérique Tison, le rejoint et reste avec lui jusqu’en 1962.

Chateau de Chassy,  1956 

















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